Voix et musique : résonance d’un possible
Animé par Isabelle Sagnette
Synopsis : Extrait d’une chanson en lien avec mon propos.
Présentation de qui je suis et de ce qui m’anime : la musique et
la voix comme source de résilience.
Comment cela m’a soutenue dans mon deuil d’enfant et de parent
VOIX & MUSIQUE, résonance d’un possible…
« Il est en chacun un noyau de vie que le chant stimule et fait vibrer. En libérant le potentiel de la voix, on augmente d’autant l’aptitude à vivre » MLAucher
Pour l’avoir expérimenté personnellement depuis ma plus tendre enfance, ayant éprouvé à plusieurs reprises, jusqu’au cœur de mes cellules, combien la musique et le chant peuvent être fils conducteurs de pulsion de vie et pour avoir étayé tout ce vécu par une formation en musicothérapie, en art thérapie par la voix ainsi que par différents stages ( entre autres Psychophonie et Roy Hart), j’ai choisi avec joie de transmettre le fruit de mon expérience par le biais d’ateliers d’expression vocale où les Arts de la voix et la Musique sont à l’honneur. Ceci dans l’objectif précis que chaque être en souffrance puisse goûter cette sensation de remise en joie et en énergie qu’offre la puissance du son. Et même au-delà, ressentir cet état de grâce qui nous dépasse, semblant nous élever à un niveau supérieur de conscience.
Langage universel, la musique socialise. Nous nous rassemblons pour le simple plaisir de l’écouter mais elle est aussi au cœur des grandes occasions de la vie. Puissante énergie créatrice de lien, nous invitant tantôt à communier ensemble, tantôt à danser entre inconnus, à sourire aux voisins dans les concerts, à plonger dans le regard des uns et des autres entre choristes, elle nous relie. Langage antérieur au verbe auquel les sagesses ancestrales ont attribué le pouvoir de détourner le mal, de libérer les blocages et les disharmonies du corps au son des tambours des chamans, des bols chantants des moines tibétains, des chants sacrés, des ultrasons…
La musique et le chant me sont bénédiction, hygiène de l’esprit, art thérapie. Depuis ma plus tendre enfance, ces deux arts ont été pour moi fils rouges conducteurs de pulsion de vie. Ils ont eu ce pouvoir de provoquer l’étincelle impulsant l’élan me permettant à maintes occasions de m’adapter aux épreuves de vie qui se sont imposées à moi. Arrivée en cette période tumultueuse et angoissante que fût la guerre d’Algérie ; touchée à l’âge de huit ans par le décès brutal de mon père sur la route ; élevée par une maman dépressive, déracinée et veuve, je me suis sentie profondément seule toute mon enfance face à ma souffrance. Perte d’un être cher, perte de repères, tout cela assombri par l’absence de mots et de gestes d’amour…
Merveilleuse adaptabilité de l’être humain face à l’adversité la plus rude ! Cette intrusion soudaine d’une alternative entre la vie et la mort nommée « traumatisme » nous impacte au niveau physique et/ou psychique. Après un évènement traumatique, le processus de deuil nous confronte à un dommage causé à la psyché. L’approche contemporaine du traumatisme doit beaucoup à S. Ferenczi (1873 -1933) qui en a été le précurseur. Il parle de fragmentation d’une partie du moi nommée « auto-clivage narcissique » comme stratégie de survie : une partie éveillée, une partie morte. La violence du réel à laquelle est confronté le sujet provoque « une déchirure du tissu psychique » qui fait voler en éclats sa personne. Il ne reconnaît plus le monde comme réel ni familier. Il semble devenu un autre ce qui le confronte à de violentes angoisses.
« La dimension du tragique l’expulse des réalités ordinaires et de leur fiabilité rassurante ; le sujet reste suspendu hors du temps ».
Ferenczi met en évidence la nécessité de reconnaître le traumatisme et cherche les voies pour amener le patient à une remémoration et une résolution psychique.
« Ce que vous ne voulez ni ressentir, ni savoir, ni vous rappeler est encore pire que les symptômes dans lesquels vous vous réfugiez ».
Le trauma resterait en souffrance, en attente de remémoration et de représentations auxquelles se relier, mais aussi « en attente d’être souffert ».
Deux éléments paraissent essentiels pour la reconstruction des personnes traumatisées : le lien établit avec une personne sécure, empathique, montrant affection et considération et le sens c’est-à-dire un processus de réflexion qui prendra le temps qu’il faut à chacun pour retrouver le désir de vivre. Je complèterais avec la nécessité de prendre soin de soi physiquement et psychiquement pour sentir la force et le désir de renaître. Car il s’agit bien là d’une nouvelle naissance à une autre partie de vie puisque pour toute personne traumatisée, il existe un « avant » et un « après » l’évènement et l’après ne sera plus jamais pareil à l’avant…
J’ai très peu de souvenirs d’enfance avant le décès de mon père, un voile noir s’étant déposé sur ma psyché comme le décrit bien Annie Duperey dans son livre éponyme. Un pourtant, bien présent, plus qu’un souvenir, une sensation, un état d’être : j’ai toujours écouté de la musique et chanté. J’y ai puisé là tous les câlins du monde et toute la rage nécessaire pour avancer en pareille situation ! La musique et le chant ont eu pour moi ce pouvoir de me cajoler, m’apaiser, m’aider à vider mes larmes, me permettre de décharger ma colère, me connecter à une énergie d’Amour, me stimulant et impulsant le désir de vivre ! Intuitivement, l’enfant que j’étais sentait combien le plaisir de chanter lui était bénéfique. Mes longues heures de solitude se nourrissaient de ces langages vibratoires. Et ce n’est pas anodin car de tous temps, la musique et les voix ont été considérés comme une forme subtile de mise en relation, avec les esprits pour les chamans ou le divin pour d’autres cultures, nous rejoignant à un endroit du cœur qu’il est difficile de mettre en mots parce qu’innommable et inconcevable pour notre esprit cartésien. Question de ressenti très intérieur. Sans doute cet espace que l’on appelle le UN de ce qui nous unit tous, nous humains, dans cette énergie d’Amour universelle que nous portons tous en nous dès la naissance et j’aime à croire certainement avant…
« On me demande souvent où je suis née et je réponds invariablement: dans le lit de ma mère. J’espère qu’un jour quelqu’un me demandera non pas où je suis née mais ce qui m’a fait naître et je pourrai enfin répondre : le chant, la parole, la relation… » Mitchélée
Lorsque j’ai lu cette phrase des années plus tard, elle a vibré si fort en moi : j’aurais pu la dire… Je ne me rappelle pas avoir joué à la poupée enfant, mais chanter, oui ! J’ai toujours chanté et j’aime à dire : « sans doute même in-utéro ! » Je peux affirmer que le chant aura été mon étayage, ma colonne vertébrale, mon ancrage face aux aléas de la vie. Comme le dit Pierre Grimbert dans son livre « Psychanalyse de la chanson », je devais sans doute trouver dans le chant, un écho à mon besoin d’être bercée. Il dit que « si la chanson imprime aussi directement ses effets sur notre sensibilité, elle doit ce résultat à la répétition qui la fonde et aux rythmes simples sur lesquels elle s’appuie. En cela elle fait écho aux nombreux rythmes auxquels obéissent les fonctions vitales et les besoins de notre corps. » Plus tard, je compris avec mon travail thérapeutique et mes formations que mon répertoire mélancolique était en lien étroit avec mon état psychique. La musique exprimait mon état d’être intérieur sans que j’ai à le parler, les paroles que je chantais me permettaient d’exprimer ce qui ne pouvait se dire et les vibrations émises par les sons me perfusaient leur énergie. Je me suis donc « auto-accompagnée » depuis ma plus tendre enfance sans en avoir conscience. Merveilleuse influence des vibrations sur la vie cellulaire.
De nombreuses études démontrent que le chant libère des endorphines et de l’ocytocine qui soulagent l’anxiété et le stress car liées à des sentiments de confiance et de reliance. Chanter aide vraiment les personnes souffrant de troubles dépressifs, leur permettant de se sentir détendues, heureuses par la libération de ces hormones. Et lorsqu’il est possible de faire le pas d’intégrer un ensemble vocal, ainsi connectées avec les autres, cela réduit leur sentiment de solitude car chanter ensemble resserre les liens. Les vecteurs essentiels à la reconstruction sont activés.
« Il est en chacun un noyau de vie que le chant stimule et fait vibrer. En libérant le potentiel de la voix, on augmente d’autant l’aptitude à vivre » ML Aucher
La voix est une histoire d’amour, de soi à Soi et entre soi et le monde. L’acte de chanter au-delà du simple plaisir de jouer avec les sons permet la restauration de l’Être blessé. Les vibrations vocales émises réveillent la joie initiale de l’enfant au cœur de nos cellules et même si nous ne chantons pas, celles ressenties lorsqu’on se place au centre d’un groupe de chanteurs, vont bien au-delà de la simple sensation auditive, notre peau reçoit aussi, réagit, nous devenons une grande oreille, notre être entier vibre, pétille. Nous nous sentons vivants! Chanter nous accorde avec le moment présent, nous relie à notre intériorité, permet au mental de se taire et irrigue nos veines d’une belle énergie qui nous remet au centre de notre vie et dans notre axe. Alors, comme l’artiste entre en scène, quand nous chantons, nous entrons en vie !
Je l’ai maintes fois vérifié en moi et auprès des gens qui m’accordent leur confiance, la musique et la voix sont vibrations stimulant l’énergie vitale et j’ai à cœur de transmettre cela dans mes ateliers d’expression « En voix d’Être ». Aller à la rencontre de sa voix c’est emprunter un chemin qui nous amène à nous découvrir, à nous révéler, réveillant ainsi l’Être blessé ou simplement endormi, bien à l’abri au cœur de la psyché parce qu’étouffé par une éducation rigide, une structure familiale défaillante, un désert affectif ou bien un ou des traumatismes pouvant amener déséquilibre et confusion intérieure… Heureusement, la nature profonde de l’Humain n’aspirant qu’à se déployer pour exprimer sa part lumineuse, même et peut-être surtout, dans les moments les plus douloureux, nous pouvons ressentir un élan : celui de nous élever humainement et spirituellement pour nous redresser et avancer la tête haute. Inviter chaque personne à écouter sa musique intérieure, à explorer la palette de son expression pour laisser jaillir son « Je suis » et ainsi prendre sa juste place par l’expression de son chant est là tout l’objet de ma démarche.
J’aime à dire « je vois la voix comme une voie » : une seule et même vibration pour ces trois mots ! Cette voie nous amène à panser nos plaies et à déployer nos ailes en jouant de tout notre instrument et pas seulement trois notes ! En osant nous incarner profondément, nous nous mettons au monde. Car depuis notre premier cri et jusqu’à notre dernier souffle, la voix est miroir de notre réalité corporelle mais aussi de tous nos états intérieurs. C’est donc une précieuse alliée vers un mieux-être. Le chant nous délivre du poids des mots… Mettre en sons nos émotions ou nos souffrances, est un réel acte guérisseur dans le sens où cela nous permet de les extérioriser au lieu de les enfouir et de les enkyster, c’est un réel acte d’Amour envers soi.
Je terminerai avec l’extrait d’une des chansons de Grand corps malade « Derrière le brouillard » dont les mots justes et la voix chaude invitent à transcender l’épreuve. Nombre de jeunes s’identifient à lui et à tant d’autres artistes qui osent exprimer tout haut, en rythme et en musique ce que ces jeunes ressentent !
Sentir un allié en l’interprète, s’approprier ses mots, y joindre les siens et ainsi trouver sa force oratoire, frapper sa colère sur des rythmes percussifs, se rassembler, se bercer, se permettre l’abandon à une tristesse irrépressible, communier avec une musique qui élève, danser sa joie de vivre… Voilà le pouvoir de la musique : celui de venir, par l’intermédiaire de l’oreille, de notre peau, de nos os, mettre nos cellules en mouvement, impulsant l’élan de vie, rallumant la flammèche d’un possible… Les vibrations impactent le corps le cœur et l’âme. Nous nous sentons vivre ! Un réel pouvoir créateur de résilience, une réelle source d’énergie de vie…
« Y a pas de recette, quand l’enfer te serre la main
Abandonner c’est humain, l’avenir c’est loin
Mais tu t’es mise à chanter, même pas par choix
Comme à chaque chute, à chaque fois, ça s’est imposé à toi
Chanter, comme un enfant surpris, comme un instinct d’survie, comme un instant d’furie
Chanter, pour accepter, exprimer, résister, avancer, progresser, exister
Chanter, comme une résilience, une délivrance
Chanter comme une évidence… » Grand corps malade